Derrière le sourire…

Comme vilaine enseignante, j’ai lancé un petit défi à mes élèves pour les occuper pendant leur semaine de relâche du mois de novembre. Je les ai envoyés à la recherche d’une histoire à raconter; une histoire de famille. Ils devaient regarder des vieilles photos de famille, de passer en entrevue leurs parents et leurs proches, de regarder avec des yeux nouveaux ce qui les entoure… tout avec le but d’apprendre un peu sur eux- même.

J’ai accidentellement fait mon propre projet. J’ai déjà partagé une petite partie, mais je sens que je n’avais pas fini. Voici la suite.

Je vous présente mon premier ange. Je le fais malgré sa demande de ne pas être sur internet. J’espère que je serai pardonnée.

Je vais tenter de respecter son intimité. Je vais seulement utiliser son exemple pour présenter une réalité que ma famille d’enfance connaissait, mais qu’en écoutant des propos dans ce temps de COVID, semble peu compris par mon présent entourage. Le tout me fait réaliser comment peut-être notre enfance était moins typique que je le croyais.

Je commence par le début; une histoire d’amour. Vous voyez, je suis le produit de deux personnes qui s’aimaient intensément et profondément. Le travail de mon père l’envoyait loin de nous et ma mère avait la tâche d’assurer la chaleur du foyer que deux parents pouvaient donner ( Keep the home fires burning).

Voici la photo que j’ai retrouvée dans un album que j’ai toujours eu. C’est une photo très connue à mes yeux. C’est la première fois que j’ai lu ce qui était écrit derrière par contre.

Et voilà. Je suis certaine que vous avez deviné que mon premier ange était ma mère. La voici assise devant un sapin. J’étais toute petite quand cette photo avait été prise.

Ma jolie maman/ My beautiful motter

Je trouve la photo belle et je trouve ma maman particulièrement belle. Ce qui se trouve derrière la photo trahit la peine qu’elle devait surement ressentir.

« Après la messe de minuit, Lecture de la fameuse lettre le coeur un peu gros avec raison. »

J’explique. Comme nous étions quatre formidables enfants et l’ainée n’avait pas encore ses cinq ans, mes parents ont décidé de traverser le pays pour assurer que ma mère ne serait pas seule avec nous. Une fois la famille installée dans leur village natal, mon père est allé travailler. Son petit séjour de travailler était pour une année à 4000 km de sa douce épouse et de ses merveilleux enfants. Les contacts étaient rares… les lettres qui pouvaient se rendre en faisaient parties.

Ma mère a fait ce que plusieurs épouses et époux font pour leurs familles quand ils sont mariés à un ou une militaire; ils avalent leurs tristesse et ils se montrent sereins devant leurs enfants et leur époux/ épouse. Elle, comme plusieurs dans ses souliers, a joué le rôle des deux parents pour que nous ne ressentions pas l’absence de notre père.

Le rôle d’un époux ou d’une épouse de militaire est d’être une force d’adaptation et de soutien hors pair. Les familles ne savaient pas où elles habiteraient d’une année à l’autre et quelle langue serait parlée. (Nous étions chanceux d’avoir seulement habité au Canada…) Parfois seules pendant des mois avec les enfants, les douces moitiés devaient garder le parent absent le plus présent possible, qui n’était pas facile sans médias sociaux ou même accès à des photos en couleur….

Vous pouvez imaginer que mon père pouvait avoir eu changé pendant ces périodes d’absence. Il pouvait se permettre de se faire pousser une moustache et une barbe, que ma mère n’aimait pas. Il pouvait maigrir ou engraisser. Cela a causé des moments que je n’ai pas reconnu mon propre père à son retour… et je ne suis pas la seule dans ma fratrie.

En sachant ce que j’ai vécu à cause de notre réalité familiale et avec le cœur gros que j’ai pour ma maman qui ne pouvait pas voir son homme ni même lui parler pour des périodes de temps, je trouve difficile d’écouter mon entourage se plaindre de leur sort. Je ne veux pas minimiser cette situation de COVID parce que ce n’est vraiment pas facile, mais je m’inquiète pour les personnes qui le vivent tout le temps, sans soutien ni reconnaissance du poids qu’elles portent.

Je pense à des proches qui, à cause de la maladie et la crise sanitaire, doivent se séparer de leurs proches au moment qu’ils ont besoin d’être entourés.

Je pense aux gens qui doivent dire adieu à un être cher sans le voir, ou s’entourer avec leurs proches pour célébrer sa vie.

Je voudrais qu’on pense aux oreilles qui peuvent entendre nos paroles dans ces temps de COVID.

J’aimerais qu’on mette l’emphase sur ce que nous avons, pas les nuances qui ont changé.

Même si, comme quelques bonnes amies à moi, j’attends avec impatience de tenir ma grande dans mes bras, je reconnais que nous sommes choyés. Nous pouvons jaser quand nous voulons. Quel plaisir de l’avoir vu ouvrir ses cadeaux de Noël ou de nous montrer ses projets de tricots malgré les 1632 km de route plus huit heures de traversier qui nous séparent. Quelle joie de pouvoir jaser, de la voir, de voir son nouveau chez-elle que nous n’avons jamais pu voir en personne.

Je tente savourer ce que nous avons. Je peux la voir, lui parler, apprendre ce qu’elle découvre et voir son chéri et son chien.

Je ne peux pas la prendre dans mes bras, mais que d’émotions le jour que je pourrai. Et ce jour approche… Il faut juste être sage…